cour solitaire à travers la pénombre du cloître, c’est un couvent qui dîne silencieusement ; des murailles blanches et nues, des hommes à la tête rase ou des femmes couvertes du béguin claustral, de simples bancs de bois, une table sans ornements, la bure monastique partout. Voici le gros bourgeois, le marchand, mangeant entouré de sa famille ; il siège dans un poêle (Stube) spacieux ; la vitre épaisse, enchâssée dans un réseau de plomb, tamise une douteuse clarté sur ce tableau allemand ; le mobilier massif qui décore l’appartement a traversé plusieurs générations et se transmettra à quelques-unes encore ; le linge est un peu grossier, mais qu’il est blanc ! La vaisselle est d’étain, mais qu’elle est claire et brillante ! les gobelets, les hanaps, les cruches, les canettes, ne sont que de gros verre, de grès, de bois, ou d’étain, mais que cette panoplie poculatoire est respectable et imposante par la générosité des formes et l’ampleur des dimensions ! Pas de luxe, point de vains simulacres ; l’aisance positive, le réalisme dans le bien-être. Plus bas, à mesure qu’on descend les degrés de l’échelle sociale, l’aisance se rétrécit, les choses et les gens deviennent plus maigres. Voyez ce pauvre artisan ; il a travaillé, peiné, sué tout le jour ; sa table trop étroite pour lui et pour son essaim d’enfants faméliques ne l’est pas assez pour que la misère n’y vienne prendre place ; elle est leur convive fidèle et assidu de tous les jours. Ils ne mangent point, ils se nourrissent seulement, et à peine encore. Pour eux, l’idée qu’il existe des gens qui apaisent, quand il leur plaît, leur faim et leur soif est l’idée du premier et du plus réel de tous les bonheurs. Les sobres philosophes qui font leurs trois repas entre deux soleils, taxeront sans doute cette pensée de paradoxale. Dans ce cas, je ne leur souhaite qu’une chose : c’est de prendre pendant quelques années la place de ceux qui doivent trouver si naturel et si commode d’endurer les clameurs d’un estomac vide.
Faire l’histoire des progrès que l’homme a introduits peu à peu dans l’administration de la vie domestique, montrer les révolutions qu’il a fallu traverser pour apporter dans son ménage et