pour donner de la couleur, de l’agrément et de la magnificence aux exercices épulaires. L’histoire des mœurs et même celle des progrès de la civilisation reçoivent par ce côté des éclaircissements qui ne sont pas à dédaigner. Tous les peuples sont forcés de manger, voilà en quoi ils se ressemblent ; mais rien n’est plus divers que les façons qu’ils mettent dans l’accomplissement d’une action si commune et si nécessaire. Louis XIV ne dînait pas comme le roi de Siam, et il y avait autant de différence entre le souper du maréchal de Richelieu et la collation vespérale d’un petit gentillâtre triboque, entre un repas du cardinal de Rohan et celui d’un paysan du Sundgau, qu’il peut y en avoir entre un lichen et un cèdre ou entre un bec de gaz et une étoile de dixième grandeur. Il en est de même de la diversité des usages sociaux.
Ces hommes, à la chevelure ardente ou blonde, accoutrés de vêtements aux couleurs sombres, dans lesquels reluit le scramasax pendu à un ceinturon de peau de buffle, qui siègent à une vaste table, dans la salle basse d’un château-fort, ce sont des guerriers mérowingiens qui dînent ; tout, autour d’eux, architecture, meubles, vaisselle, est lourd, à peine ébauché, barbare. Quelques siècles plus tard l’immense salle s’est élancée en hauteur sur de sveltes colonnes qui s’épanouissent, comme une ramée de pierre, en arceaux élégants ; les fenêtres en ogive attirent la riante lumière du soleil ; des bahuts à la riche sculpture, des dressoirs, des crédences, règnent le long des murailles ; une table géante supportée par des pieds artistement travaillés occupe le milieu de l’appartement ; des siéges de chêne sculpté, revêtus de cuir gaufré, sont disposés autour de la table ; les assistants sont parés de vêtements aux couleurs éclatantes ; la châtelaine et ses filles répandent un doux rayon de tendresse et de grâce sur cette scène vigoureuse ; vers la porte se tient un minnesinger ambulant récitant des lais et des ballades ; souvent il n’y a qu’un jongleur qui raconte des aventures, ou un baladin qui expose ses bouffonneries ; c’est une assemblée de gentilshommes alsaciens faisant festin, au temps de la féodalité. — Là, dans ce long réfectoire, qui regarde dans une