Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/59

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des paysans ne consistait qu’en laitage, en pain noir de seigle ou d’orge, et en quelques légumes élémentaires[1]. Dans les cantons industrieux, elle était meilleure ; on y déjeunait et on y soupait généralement avec du café au lait, parfois avec du beurre ou du fromage. Les viandes salées ou rôties y étaient d’un usage assez fréquent. Le plus grand luxe dans les cantons purement agricoles de ce petit pays était d’avoir, au dîner du dimanche, un énorme plat de choux surmonté d’un morceau de lard et de viande salée ; ce mets s’appelait brésy[2]. Le potage au riz, qui le croirait ? était un régal réservé pour les occasions solennelles, les enterrements, les naissances, les mariages. La simplicité, la rudesse de notre cuisine nationale inspiraient, en général, si peu de respect et de sympathie aux Français, que le médecin Maugue, archiâtre d’Alsace, osait la caractériser, sur la fin du dix-septième siècle, de la manière suivante : « Outre que les aliments participent du climat où ils croissent, ils sont par eux-mêmes grossiers et visqueux ; ces aliments consistent en épinards, en raves, en navets tant cruds que cuits, en fèves, en pois, en chneits (Schnitzen), en riz, en orge mondée et en choux de toute espèce… Les Alsaciens ne sont pas friands de bonne chère ; leurs viandes sont mal apprêtées, leurs ragoûts sans délicatesse, leur rôti sec ; ils mangent peu de viande ; ils font une soupe d’une ou de deux livres de bœuf qui se promène quelque temps dans un baquet d’eau bouillante ; les herbes n’y cuisent pas ; on se contente de les mettre sur le pain coupé lorsqu’on y verse le bouillon ; s’ils mangent peu de bonne viande, ils en mangent beaucoup de mauvaise… Ils aiment le rôti fort sec, et il est ordinairement à demi froid quand on le sert, parce que l’usage est de le porter dans le vestibule pendant qu’on mange les salades qui sont les premières servies et seules… Que peut produire un genre de vie tel que celui des Alsaciens, qu’un sang

  1. Morel, Statistiques de l’évêché de Bâle, p. 267.
  2. Morel, loc. cit., p. 263.