Page:Gérin-Lajoie - Dix ans au Canada, de 1840 à 1850, 1888.djvu/492

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n'aura jamais lieu; je le dis sans crainte, car tout me prouve que c'est impossible. La continuation de la navigation de notre fleuve jusqu'à Kingston ne pourra jamais ainsi se réaliser avec profit, et toutes les dépenses faites dans ce but, étaient un acte de folie. Mais l'Angleterre n'a pas été plus sage; elle a applaudi à notre folie, elle nous y a poussés en nous promettant une protection qu'aujourd'hui elle nous retire.

Eh bien! il fallait dire à l'Angleterre que si elle nous reniait ainsi, nous ne pourrions jamais faire face à nos engagements. C'est elle qui profite de ces changements dans ses lois commerciales; c'est nous qui devons en souffrir; devons-nous en payer les dépenses? Ce changement de politique est fort sage pour l'Angleterre; son peuple ne peut manquer d'y gagner; mais comme c'est à son invitation, d'après ses promesses, que ces travaux publics ont été entrepris, je dis qu'elle doit se charger des dettes qu'ils nous ont coûtées, puisqu'elle nous met, contrairement à sa parole, dans l'impossibilité d'en profiter. Sans cela, jamais notre crédit ne pourra se rétablir. L'intérêt de cette somme a ajouté à nos dépenses, et quoique nos taxes aient été doublées, nous en sommes réduits à un système de crédit qui va de pire en pire. Lorsque viendra le remboursement de la dette publique, quelles seront nos ressources? Auparavant les Canadiens pouvaient vendre leurs blés avec profit sur les marchés anglais; aujourd'hui, ils ne le peuvent plus. Déjà même les marchands des États-Unis vont acheter les grains et les farines du Haut-Canada, et trouvent moyen de se rendre sur les marchés anglais avant que nous puissions y arriver. Nos canaux sont donc inutiles. Les canaux du Saint-Laurent sont aujourd'hui ce qu'est le canal de Rideau, entrepris lui aussi sous l'inspiration de l'Angleterre. Cette entreprise du canal Rideau, parce qu'elle a été faite sur une échelle trop vaste, ne vaut rien du tout, et il en est de même de nos canaux du Saint-Laurent. Nous devons donc dire à l'Angleterre: « Nous ne voulons ni de vous ni de vos dons; vos dons seraient la ruine. »