Page:Gérin-Lajoie - Dix ans au Canada, de 1840 à 1850, 1888.djvu/493

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Le sort du canal Rideau nous dévoile le sort des canaux du Saint-Laurent. Déjà les blés du Haut-Canada passent par l'État de New York. Ils ont déjà commencé à prendre cette route, quoiqu'ils aient encore des droits assez élevés à payer. Au premier février prochain il n'y aura plus la moindre protection en notre faveur, et les États-Unis seront mis sur le même pied que nous sur les marchés anglais. Encore une fois, cette loi est sage de la part de l'Angleterre. Ses ouvriers qui, avec quatorze à quinze heures de travail par jour, peuvent à peine suffire à leur subsistance, s'en trouveront soulagés. C'est un acte de justice qui est dû à la masse du peuple de la Grande-Bretagne, pour qui ces lois haussaient le prix du pain. Une bonne administration ne peut donc qu'approuver la conduite du gouvernement anglais en cette circonstance. Nous n'avons pas le droit de demander qu'en Angleterre la classe ouvrière souffre pour nous enrichir. Cette politique du gouvernement métropolitain a été juste pour le peuple anglais, mais injuste pour nous, et nous avons droit de nous en plaindre. La libre navigation et la compétition entre les vaisseaux qui viendront chercher nos produits, nous donneront un léger soulagement. Ce sera un gain pour le cultivateur; mais nous ne pouvons pas nous flatter que, même avec la libre navigation et la compétition entre les vaisseaux étrangers, nos canaux soient jamais capables de réaliser les espérances qu'on veut bien en attendre.

L'État de New York est cinquante fois et cent fois riche comme les Canadas-Unis. Il est en voie de racheter sa dette. Il a tiré de ses canaux près de quatre million de piastres, dans le cours de l'année dernière, tandis que nous en avons à peine tiré cinquante mille louis. Eh! c'est avec des chances si inégales que nous voudrions tirer d'un si riche État des profits qu'il a su se donner? Nous n'y réussirons jamais. Les habitants de l'État de New York ont bien plus que nous les moyens de soutenir la concurrence. Je traite donc toute cela de conte jaune, et de projets misérables.