vie simple et modeste, ils ne se doutent guère qu’un certain nombre de ceux qu’ils rencontrent, et qui quelquefois les traitent avec arrogance, sont au fond, beaucoup moins riches qu’eux. À les voir si prétentieusement vêtus, bottes luisantes, pantalon collant, chapeau de soie, veste et habit de la coupe des premiers tailleurs de la ville, montre et chaîne d’or, épinglette et boutons d’or, ils les prendraient pour de petits Crésus. Ils croiraient à peine celui qui leur dirait que plusieurs de ces milords ne sont pas même propriétaires de ce qu’ils portent sur leur corps, qu’ils doivent leurs hardes à leur tailleur, leurs bottes au cordonnier, leurs bijoux à l’orfèvre, et que jamais probablement ils ne seront en état de les payer. On en a vu sortir ainsi de leur maison le matin, et s’arrêter en passant chez un ami pour emprunter la somme nécessaire à l’achat du dîner.
« Il existe dans les classes élevées de la société de nos villes, une somme de gêne et d’embarras dont tu n’as pas d’idée. Chez elles, la vanité étouffe le sens commun ; la maxime, « vivons bien tandis que nous vivons, » l’emporte sur toutes les autres. Des hommes fiers, hautains, aristocrates, ne craignent pas de laisser leurs femmes et leurs enfants à la charge du public, après avoir eux-mêmes vécu dans l’opulence.
« À ce propos, il faut que je te raconte un fait qui m’a vivement impressionné. Tu as peut-être lu dernièrement sur les journaux la mort de M. X***. J’avais eu des rapports assez intimes avec lui depuis quelques années ; il s’était toujours montré fort bienveillant à mon égard, et lorsque j’appris sa maladie je m’empressai de le visiter. Son mal provenait en