idée d’abandonner un genre de vie que j’aime et qui me convient, pour en adopter un autre qui me semble incompatible avec mes goûts et mes sentiments. Mais je sais que les devoirs d’un homme ne se bornent pas à la vie privée ; je sais que pour être bon citoyen, il faut encore s’occuper, dans la mesure de ses forces, du bien-être et du bonheur de ses semblables ; et que personne ne peut refuser de prendre sa part des charges que la société impose à quelques-uns de ses membres dans l’intérêt général.
« Les charges publiques ne doivent jamais se demander, mais elles ne doivent pas non plus se refuser sans de graves raisons ; il y aurait dans ce refus égoïsme ou indifférence.
« J’accepte donc la candidature que vous venez me proposer, au nom d’une grande partie des électeurs du comté ; je me chargerai de votre mandat, si vous me le confiez ; mais je ne le sollicite pas. Tout en admettant que l’amour-propre est toujours un peu flatté de ces préférences, je vous dis, sans arrière-pensée, que je serais délivré d’un grand fardeau, si votre choix tombait sur un autre que moi. »
Ces paroles furent prononcées d’un ton de sincérité qui indiquaient bien qu’elles partaient du cœur. On applaudit beaucoup, et les membres de la députation, après avoir reçu de la famille de Jean Rivard les démonstrations de politesse, ordinaires dans les maisons canadiennes, se disposaient à partir, lorsqu’un d’eux s’adressant de nouveau à Jean Rivard :
« Si toutefois, dit-il, quelqu’un s’avisait de vous susciter un adversaire, comme cela pourrait bien arriver, et qu’il fallût soutenir une lutte, je suppose que vous n’hésiteriez pas à mettre une petite somme au jeu ? »