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Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, économiste, 1876.djvu/145

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JEAN RIVARD

— Monsieur, dit nettement Jean Rivard, j’accepte une charge, je ne l’achète pas. Je me croirais criminel, grandement criminel si je dépensais un sou pour me faire élire.

— Qu’on mette de l’argent ou qu’on n’en mette pas, ce n’est pas une question pour moi. S’il y a dans le comté de Bristol une majorité d’électeurs assez vile pour se vendre au plus offrant, soyez sûr que je ne suis pas l’homme qu’il faut pour les représenter en parlement. Si on veut absolument corrompre le peuple canadien, autrefois d’une moralité à toute épreuve, je n’aurai au moins, Dieu merci ! aucun reproche à me faire à cet égard.

— Hourra ! cria un des hommes de la députation qui s’était tenu jusque là à l’écart. Ah ! je vous reconnais là, monsieur Jean Rivard… Vous êtes toujours l’homme de cœur et d’honneur…

Jean Rivard s’avança pour voir celui qui l’apostrophait ainsi et reconnut son ancien serviteur Lachance, qui, après avoir été s’établir dans un des cantons voisins, y était devenu un des hommes marquants, et avait été nommé membre de la députation.

— Je te reconnais, moi aussi, dit Jean Rivard, avec émotion ; et les deux anciens défricheurs se donnèrent une chaleureuse poignée de mains.

— Hourra ! s’écria-t-on de toutes parts, hourra pour Jean Rivard, le candidat des honnêtes gens !

Les délégués s’en retournèrent pleins d’estime et d’admiration pour l’homme de leur choix, et décidés à mettre tout en œuvre pour le succès de son élection,

Jean Rivard rencontra cependant un adversaire redoutable dans la personne d’un jeune avocat de la ville, plein d’astuce et d’habileté, qui briguait les