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JEAN RIVARD

Et pour montrer qu’il était sérieux, il se rendit tout de suite chez monsieur le curé Doucet, auquel il fit cadeau d’un riche ostensoir pour l’église de Rivardville.

Monsieur le curé ne pouvait refuser cette offrande ; il remercia cordialement le généreux candidat, en l’informant qu’il ne manquerait pas de faire part de cet acte de bienveillance à ses paroissiens. « Mais, ajouta-t-il, comme quelques personnes pourraient croire que vous nous faites cette faveur en vue de l’élection qui doit se faire prochainement, je me garderai bien d’en souffler mot avant que la votation soit terminée : c’est le seul moyen d’éviter des soupçons qui pourraient être injurieux à votre honneur. »

L’avocat se mordit les lèvres et fit bonne contenance ; mais on comprend qu’il ne fut satisfait qu’à demi de cette délicate discrétion de la part de monsieur le curé.

Diable de discrétion ! murmura-t-il en sortant, j’aurais dû plutôt lui donner une cloche à celui-là ; une cloche, ça ne se cache pas aussi facilement ; d’ailleurs, le bedeau l’aurait su, et peut-être, lui, aurait-il été moins discret.

Monsieur le curé Doucet tint parole.

Les électeurs de Rivardville savaient bien de quel côté étaient les sympathies de leur pasteur ; mais ce dernier demeura parfaitement neutre dans la lutte, non à cause du riche ostensoir dont nous venons de parler, mais parce qu’il ne voulait pas qu’un seul de ses pénitents vît en lui un adversaire politique. Il se contenta de prêcher la modération, de mettre les électeurs en garde contre la corruption, contre les fraudes et la violence, de leur rappeler qu’ils étaient