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JEAN RIVARD

La voiture de Jean Rivard était traînée par Lion, plus beau, plus magnifique ce jour là que jamais. On eût dit que l’intelligent animal comprenait la gloire de son maître ; il montrait dans son port, dans ses allures, une fierté, une majesté qui excitait l’admiration générale.

Jean Rivard fit asseoir avec lui M. Lacasse et Gustave Charmenil. Le siége du cocher était occupé par Pierre Gagnon, heureux et fier de mener le plus beau cheval du comté, mais mille fois plus heureux encore de conduire la voiture de son empereur triomphant.

C’était un singulier spectacle que la vue de Pierre Gagnon ce jour-là. Cet homme, si gai, était devenu triste à force d’émotions. On ne l’entendit pas pousser un seul hourra ; c’est à peine s’il pouvait parler.

Le cortége se composait d’environ trois cents voitures, en tête desquelles flottait le drapeau britannique.

Les chevaux étaient ornés de pompons, de fleurs ou de rubans de diverses sortes ; tout ce qu’il y avait dans le comté de belles voitures, de chevaux superbes, de harnais reluisants, faisait partie du cortége. Les électeurs, vêtus de leurs habits du dimanche, portaient des feuilles d’érable à leurs boutonnières. Leurs figures épanouies, leurs cris d’allégresse disaient encore plus que tout le reste, le bonheur dont ils étaient enivrés.

Le cortége s’avança lentement, solennellement, au son argentin des mille clochettes suspendues au poitrail des chevaux. On accomplit ainsi tout le trajet qui sépare Lacasseville de Rivardville. Cette route de trois lieues semblait être décorée exprès pour