l’occasion. La plupart des maisons présentaient à l’extérieur un air de fête et de joyeuseté difficile à décrire. Pas une femme, pas un enfant n’eût voulu se trouver absent au moment où la procession devait passer devant la porte ; tous se tenaient debout sur le perron ou la galerie, les femmes agitant leurs mouchoirs, les hommes poussant des hourras de toute la force de leurs poumons.
Lorsque les voitures défilaient devant la maison de quelqu’un des chauds partisans de Jean Rivard, les électeurs se levant instantanément, poussaient tous ensemble le cri de « Hourra pour Jean Rivard ! » En passant devant chez le père Landry, qui pour cause de santé n’avait pu se rendre à Lacasseville, le cortége s’arrêta tout court, et Jean Rivard, se retournant, prononça quelques mots qui se transmirent de bouche en bouche. Deux grosses larmes coulèrent sur les joues du père Landry. Tout le trajet ne fut qu’une ovation continuelle. Ajoutons à cela que le temps était magnifique, qu’un soleil brillant illuminait l’atmosphère, et que toute la nature semblait participer à la joie générale.
Qu’on imagine tout ce qui dut passer par la tête de Jean Rivard en parcourant ainsi ces trois lieues de chemin, qu’il avait parcourues dix ans auparavant son sac de provisions sur le dos, pauvre, inconnu, n’ayant pour tout soutien que son courage, son amour du travail et sa foi dans l’avenir !
Il se plaisait à rappeler à Pierre Gagnon diverses petites anecdotes relatives à leur premier trajet à travers cette forêt, les endroits où ils s’étaient reposés, les perdrix qu’ils avaient tuées… mais à tout cela Pierre Gagnon ne répondait que par monosyllabe.