On arriva enfin à Rivardville, où les cris joyeux redoublèrent. Là, toutes les rues, nettoyées pour la circonstance, étaient pavoisées de drapeaux ou de branches d’érable. Quand le cortége passa devant la maison d’école, les enfants, qui avaient congé ce jour-là, en l’honneur de la circonstance, vinrent en corps, leur professeur en tête, présenter une adresse de félicitation à Jean Rivard, fondateur du lycée de Rivardville. L’heureux candidat fut plus touché de cette marque de reconnaissance que de tous les incidents les plus flatteurs de son triomphe. Il y répondit avec une émotion que trahissait chacune de ses paroles.
En passant devant le presbytère, quelques-uns des électeurs voulurent pousser le cri de triomphe, mais Jean Rivard leur fit signe de se taire, et tous se contentèrent d’ôter leur chapeau et de saluer en silence M. le curé Doucet, qui se promenait nue-tête sur son perron. Le bon curé croyait fumer en se promenant, mais il s’aperçut, quand le cortége fut passé, que sa pipe était froide depuis longtemps.
Enfin, trois hourras encore plus assourdissants que tous les autres annoncèrent l’arrivée des voitures à la maison de Jean Rivard.
Deux grands drapeaux flottaient aux fenêtres : l’un était le drapeau britannique, et l’autre le drapeau national. Sur ce dernier étaient inscrits, en grosses lettres, d’un côté : Religion, Patrie, Liberté, de l’autre côté : Éducation, Agriculture, Industrie.
Ces seuls mots expliquaient toute la politique de Jean Rivard.
Madame Rivard, un peu intimidée à la vue de tant de monde, reçut les électeurs avec son aménité ordi-