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JEAN RIVARD

répandent, les sentiments qu’ils produisent, les aliments qu’ils fournissent à l’esprit, sont une ample compensation de la somme minime exigée annuellement de chaque individu. Le goût de la lecture s’est accru graduellement ; je pourrais vous citer des hommes, autrefois d’une parcimonie étrange à l’égard des choses de l’intelligence, des hommes qui n’auraient jamais lu un livre s’ils n’eussent trouvé à l’emprunter pour l’occasion, qui aujourd’hui dépensent libéralement plusieurs louis par année en achat de livres ou en souscriptions à des recueils périodiques. Les uns se privent de tabac, d’autres d’un article de toilette pour pouvoir souscrire à un journal ou acheter quelque livre nouveau.

« Depuis longtemps les entretiens sur la politique, sur le mérite des hommes publics ou les mesures d’utilité générale, sur les nouvelles européennes ou américaines, sur les découvertes récentes en agriculture ou en industrie, ont remplacé parmi nous les conversations futiles sur les chevaux, les médisances et les cancans de voisinage.

— Est-ce que vos discussions politiques sont généralement conduites avec sang froid et dignité ? Ne dégénèrent-ils pas quelquefois en querelles ridicules, comme cela se voit assez souvent ?

— Pour dire le vrai, notre petite société politique se ressent un peu de l’esprit des journaux qui composent sa nourriture intellectuelle. Celui qui fait sa lecture ordinaire de ces gazettes où la passion, l’injure, l’intolérance, les personnalités grossières tiennent lieu de bon sens, se distinguent généralement par un esprit hâbleur et des idées outrées. Celui au contraire qui reçoit un journal rédigé avec modéra-