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JEAN RIVARD

ries et une bordée de rires homériques, il s’asseyait près de Françoise et passait une demi-heure à parler sérieusement,

Cette conduite inusitée de la part de notre défricheur était remarquée par les jeunes gens, qui ne manquaient pas d’en plaisanter.

Lorsque, à l’époque des foins ou de la récolte, Pierre Gagnon venait donner un coup de main à Jean Rivard, il était rare que Françoise ne trouvât pas un prétexte d’aller aux champs, aider au fanage ou à l’engerbage ; ce travail devenait un plaisir quand Pierre Gagnon y prenait part.

Personne, au dire de Françoise, ne fauchait comme Pierre Gagnon ; personne ne savait lier une gerbe de grain comme lui.

On en vint à remarquer que Pierre Gagnon qui, dans les commencements, s’amusait à jeter des poignées d’herbe à Françoise, à la faire asseoir sur des chardons, et à la rendre victime de mille autre espiègleries semblables, cessa peu à peu ces plaisanteries à son égard. On les vit même quelquefois, durant les heures de repos, assis l’un à côté de l’autre, sur une veillotte de foin.

Si quelqu’un s’avisait désormais de taquiner Françoise, comme lui-même avait fait plus d’une fois auparavant, on était sûr que Pierre Gagnon se rangeait aussitôt du parti de la pauvre fille et faisait bientôt tourner les rires en sa faveur.

Il ne pouvait plus souffrir que personne cherchât à l’effrayer au moyen de fantômes ou d’apparitions ; il réussit presque à la persuader qu’il n’existait ni sorciers, ni revenants, ni loups-garous. Comme le Scapin de Molière, il lui confessa qu’il était le prin-