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JEAN RIVARD

moi ; tes doigts ne sont pas roidis par le travail ; écrire est pour toi un amusement. Sois sûr d’une chose cependant : c’est que, malgré ce que tu pourrais appeler mon indifférence, il ne se passe pas de jour que je ne pense à toi ; dans mes entretiens avec notre ami Doucet, ton nom revient sans cesse. Quel bonheur pour nous, mon cher Gustave, si nous pouvions nous rapprocher un jour !

« Quand je prends la plume pour t’écrire, tant de choses se présentent à mon esprit que je ne sais vraiment par où commencer. Le mieux pour moi, je crois, serait de me borner pour le moment à répondre aux questions que tu me poses et à te fournir les renseignements que tu désires sur mon exploitation rurale.

« Quant aux résultats de mes travaux auxquels tu parais prendre un si vif intérêt, il me serait facile de t’en entretenir jusqu’à satiété ; mais je m’attacherai à quelques faits principaux qui te feront aisément deviner le reste.

« J’espère qu’au moins tu ne me trouveras point par trop prolixe ni trop minutieux, si je te résume, en quelques pages, l’histoire de mes opérations agricoles depuis cinq ans.

« Mais je commencerai sans doute par faire naître sur tes lèvres le sourire de l’incrédulité en t’annonçant que les cinquante acres de forêt qui me restaient à déboiser, à l’époque de mon mariage, vont être ensemencés l’année prochaine ?

« Cinquante acres en cinq ans ! Quatre-vingt-cinq acres en sept ans ! Ne suis-je pas un terrible défricheur ?

« C’est pourtant bien le cas.