« Cela n’offrirait rien d’extraordinaire toutefois si je n’avais pas eu chaque année à mettre en culture tout le terrain défriché durant les années précédentes à semer, herser, faucher, récolter, engranger ; si je n’avais pas eu à en clôturer la plus grande partie, à faire les perches et les piquets nécessaires, opérations qui demandent du temps et un surcroit de main-d’œuvre considérables ; si je n’avais pas eu à construire la plus grande partie de mes bâtiments de ferme, étable, écurie, bergerie, porcherie, hangar et remise ; si je n’avais pas eu enfin au milieu de tout cela à m’occuper des affaires publiques, à administrer les biens de ma famille, et à surveiller en quelque sorte l’établissement de tout un village.
« Mais j’ai fait encore une fois de nécessité vertu ; j’ai redoublé d’activité, je me suis multiplié pour faire face à tout à la fois.
« As-tu déjà remarqué cela ? Un travail nous semble d’une exécution impossible ; qu’on soit forcé de l’entreprendre, on s’en acquitte à merveille.
« Je me trouve donc aujourd’hui, cinq ans après mon mariage et sept ans après mon entrée dans la forêt, propriétaire de quatre-vingt-cinq acres de terre en culture ; une quinzaine d’acres sont déjà dépouillés de leurs souches, et le reste ne peut tarder à subir le même sort.
« Si tu savais avec quel orgueil je porte mes regards sur cette vaste étendue de terre défrichée, devenue par mon travail la base solide de ma future indépendance !
« Je me garderai bien de te donner, année par année, le résultat de mes récoltes, le tableau de mes recettes et de mes dépenses, cela t’ennuierait ; qu’il