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LE DÉFRICHEUR

froids. Il lui apportait tous les jours des fruits sauvages ; il lui coupait de jeunes pousses, lui donnait même quelquefois du sucre, ce dont ces animaux sont toujours très-friands ; si surtout il découvrait quelque nid de guêpes ou de bourdons, il fallait voir avec quel bonheur il en apportait le miel à sa « Dulcinée. » De tous les mets c’était celui qu’elle savourait avec le plus de gourmandise.

Il lui prit même fantaisie d’instruire sa jeune pupille et de l’initier aux usages de la société[1]. Pierre jouait de la guimbarde, ou comme on dit dans les campagnes, de la bombarbe ; il n’avait pas oublié d’apporter avec lui cet instrument, et il en jouait assez souvent, bien que Jean Rivard ne lui cachât pas qu’il préférait de beaucoup aux sons qu’il en tirait ceux de la flûte ou du piano. Peu à peu, à force de patience et de soin, il habitua Dulcinée à se tenir debout, et enfin à danser au son de la bombarbe. Ce fut une grande fête le jour où il réussit à lui faire faire quelques pas cadencés, et s’il en avait eu les moyens il eût sans doute donné un grand bal ce jour-là.

La jeune orpheline était douée des plus belles qualités et en particulier d’une douceur, d’une docilité qui faisait l’étonnement de Jean Rivard. Sous un maître plus habile, elle eût pu sans doute devenir experte en divers arts d’agrément, et particulièrement dans celui de la danse, art pour lequel son sexe,

  1. J’ai lu quelque part qu’un cultivateur anglais du Haut-Canada avait réussi à perfectionner l’éducation d’une jeune ourse au point qu’elle se présentait très-bien dans un salon, et qu’elle recevait, avec sa maîtresse, quand cette dernière avait des visites.