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LE DÉFRICHEUR

causa chez les premiers colons du Canton de Bristol, l’événement dont nous parlons. Malgré l’éloignement des habitations, on se réunissait de tous côtés pour en parler ; des gens qui ne se connaissaient pas, qui ne s’étaient jamais vus jusque là, s’entretenaient de la chose comme d’un bonheur commun, comme d’un heureux événement de famille ; il y eut des feux de joie, des démonstrations, des réjouissances publiques ; une vie nouvelle semblait animer toute cette petite population.

Une activité extraordinaire se manifesta immédiatement dans toute l’étendue du Canton ; de nouveaux défricheurs arrivèrent ; tous les lots situés sur la route qui n’avaient pas encore été concédés le furent dans l’espace de quelques jours.

On peut se faire une idée de la sensation que produisit cette nouvelle sur Jean Rivard. Il en fut comme étourdi ; pendant plusieurs nuits son sommeil d’ordinaire paisible, se ressentit de la secousse qu’éprouva son esprit. Il passait des heures entières à rêver aux changements qu’allait nécessairement subir sa condition. De fait, cet événement en apparence si simple devait exercer la plus grande influence sur la fortune et les destinées de notre héros.

À ses yeux, la valeur de sa propriété était au moins triplée.

Bientôt un projet ambitieux, dont il se garda bien cependant de faire part à personne, s’empara de son esprit, et ne le quitta ni jour ni nuit. Disons en confidence au lecteur quel était ce projet que Jean Rivard caressait en secret, et dont la pensée lui procurait les plus douces jouissances qu’il eût encore éprouvées depuis le commencement de son séjour dans les bois.