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JEAN RIVARD

« Me voilà, » se disait-il à part lui, « avec plus de trente arpents de terre en culture ; tout annonce que ma récolte de cette année sera fructueuse, abondante, et me rapportera bien au-delà du nécessaire. Avec ce surplus et le produit de ma potasse, je vais pouvoir acquitter toutes mes dettes et consacrer en outre une petite somme à l’amélioration de ma propriété. »

C’étaient déjà là des réflexions fort consolantes, des supputations très-encourageantes. Mais une idée qui lui semblait présomptueuse venait immédiatement après :

« Pourquoi donc, » ajoutait-il en se parlant à lui-même, « ne pourrais-je pas dès cette année me bâtir une maison décente ? Avec un chemin comme celui que nous aurons, ne puis-je pas transporter facilement de Lacasseville à Louiseville les planches, les briques, la chaux et tous les autres matériaux nécessaires ? Et si après tout il me manquait quelque chose, ne pourrais-je pas, en exposant à mes créanciers l’état de mes affaires et les légitimes espérances que je fonde sur l’avenir, obtenir d’eux une prolongation de crédit ? »

De toute cette série de considérations à une idée encore plus ambitieuse et plus riante, il n’y avait qu’un pas. Une fois la cage construite, ne fallait-il pas un oiseau pour l’embellir et l’égayer ? Et cet oiseau se présentait à l’imagination de notre héros sous la figure d’une belle et fraîche jeune fille aux yeux bleus que nos lecteurs connaissent déjà.

« De fait, se disait-il enfin, pourquoi ne pourrai-je pas me marier dès cet automne ? Ce sera une année