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Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/21

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JEAN RIVARD

sans compter la somme nécessaire à l’acquisition du matériel agricole et des animaux indispensables à l’exploitation ?

Jean Rivard passa donc encore plusieurs mois à considérer sa situation, à faire des projets de toutes sortes, à chercher tous les moyens imaginables de sortir d’embarras. Parfois le découragement s’emparait de son âme et l’avenir s’offrait à ses regards sous les couleurs les plus sombres. Eh quoi ! se disait-il, serai-je condamné à travailler comme journalier, comme homme de peine, dans les lieux mêmes où mon père cultivait pour son propre compte ? La pensée d’émigrer, de s’expatrier, lui venait bien quelquefois, mais il la repoussait aussitôt comme anti-patriotique, anti-nationale.

Une raison secrète qu’on connaîtra bientôt rendait encore plus vif son désir de s’établir le plus promptement possible.


III.

noble résolution de jean rivard.


Les soucis qui tourmentaient notre jeune homme surexcitèrent à tel point son système nerveux qu’il lui arriva plus d’une fois de passer la nuit sans fermer l’œil. Il se levait, se promenait de long en large dans sa chambre, puis se couchait de nouveau, demandant en vain au sommeil quelques moments de repos. Enfin il arriva qu’une nuit, après plusieurs heures d’une insomnie fiévreuse, il s’endormit profondément, et eut un songe assez étrange. Il se crut