d’une fois à nos défricheurs de retourner le soir à leur cabane la figure et les mains tellement charbonnées qu’on les eût pris pour des Éthiopiens.
« Tonnerre d’un nom ! disait Pierre Gagnon, en regardant son maître, si Mademoiselle Louise pouvait nous apparaître au milieu des souches, je voudrais voir la mine qu’elle ferait en voyant son futur époux. »
Dans les circonstances, une telle apparition n’eût certainement pas été du goût de Jean Rivard.
Chaque soir, nos défricheurs étaient morts de fatigue ; ils éprouvaient cependant une certaine jouissance à contempler la magnifique illumination que produisait au milieu des ténèbres de la nuit et de la solitude des forêts l’incendie de ces montagnes d’arbres et d’arbrisseaux. C’était vraiment un beau coup d’œil. Ils eurent une fois entre autres, par une nuit fort noire, un de ces spectacles d’une beauté vraiment saisissante, et qui aurait mérité d’exercer le pinceau d’un artiste ou la verve d’un poète, quoique l’un et l’autre eussent certainement été impuissants à reproduire cette scène grandiose dans toute sa splendeur. Ils l’appelèrent l’incendie de Moscou, mais il y avait cette différence entre les deux incendies que l’un avait détruit des richesses immenses et que l’autre était destiné à en produire ; que l’un avait causé le malheur et la pauvreté d’un grand nombre de famille, et que l’autre devait faire naître l’aisance et le bonheur dans la cabane du laboureur.
Pierre Gagnon revenait sans cesse et à tout propos sur ces allusions historiques ; il voulait même à toute force engager Jean Rivard à recommencer la lecture de l’Histoire de Napoléon, pour l’édification et l’ins-