Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, le défricheur, 1874.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
JEAN RIVARD

Louise qui n’était pas d’un goût très sévère en poésie aimait beaucoup ces petits jeux d’esprit. D’ailleurs la femme, indulgente et sensible, est toujours disposée à pardonner en faveur de la bonne intention.

Le mois de Juin n’était pas encore écoulé que les quinze arpents de terre défrichés depuis l’arrivée de Jean Rivard à Louiseville se trouvaient complètement ensemencés. Quatre arpents l’avaient été en blé — quatre en avoine — deux en orge — deux en sarrasin — un en pois — un en patates[1] — et près de la cabane, c’est-à-dire, à l’endroit destiné à devenir plus tard le jardin, un arpent avait été ensemencé en blé d’inde, rabiolles, choux, poireaux, oignons, carottes, raves, et autres légumes, dont l’usage allait varier un peu la monotonie qui avait régné jusque-là dans les banquets de Louiseville.

En même temps, Jean Rivard avait fait répandre en plusieurs endroits de la graine de mil, afin d’avoir l’année suivante, du foin, ou tout au moins de l’herbe dont l’absence se faisait déplorer chaque jour.

Il n’avait pas oublié non plus de planter tout autour de son futur jardin quelques-uns des meilleurs arbres fruitiers du jardin de sa mère, telles que pruniers, cerisiers, noyers, gadeliers, groseilliers, pommettiers, etc. Il avait même eu l’attention délicate de se procurer secrètement de la graine des plus belles fleurs du jardin du père Routier, afin que si plus tard sa Louise venait embellir de sa présence son

  1. On dit patates au lieu de pommes de terre, mot inconnu dans les paroisses canadiennes.