Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/12

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effort, il regarda longuement ses deux fils d’une façon expressive, et son regard profond, et ses yeux tristes semblaient vouloir leur dire : — Aimez-vous l’un l’autre, pauvres enfants qui allez désormais rester seuls ! Vivez toujours unis, sous l’œil de Dieu, comme vous voilà à cette heure devant moi, la main dans la main.

André comprit le regard paternel, il se pencha vers le mourant :

— Père, répondit-il, j’élèverai Julien et je veillerai sur lui comme vous l’eussiez fait vous-même. Je lui enseignerai, comme vous le faisiez, l’amour de Dieu et l’amour du devoir : tous les deux nous tâcherons de devenir bons et vertueux.

Le père essaya un faible sourire, mais son œil, triste encore, semblait attendre d’André quelque autre chose.

André le voyait inquiet et il cherchait à deviner ; il se pencha jusqu’auprès des lèvres du moribond, l’interrogeant du regard. Un mot plus léger qu’un souffle arriva à l’oreille d’André : — France !

— Oh ! s’écria le fils aîné avec élan, soyez tranquille, cher père, je vous promets que nous demeurerons les enfants de la France ; nous quitterons Phalsbourg pour aller là-bas ; nous resterons Français, quelque peine qu’il faille souffrir pour cela.

Un soupir de soulagement s’échappa des lèvres paternelles. La main froide de l’agonisant serra d’une faible étreinte les mains des deux enfants réunies dans la sienne, puis ses yeux se tournèrent vers la fenêtre ouverte par où se montrait un coin du grand ciel bleu : ses regards mourants s’éclairèrent d’une flamme plus pure ; il semblait vouloir à présent ne plus songer qu’à Dieu. Son âme s’élevait vers lui dans une ardente et dernière prière, remettant à sa garde suprême les deux orphelins agenouillés auprès du lit.

Peu d’instants après, Michel Volden exhalait son dernier soupir.

Toute cette scène n’avait duré que quelques minutes ; mais elle s’était imprimée en traits ineffaçables dans le cœur d’André et dans celui du petit Julien.


Quelque temps après la mort de leur père, les deux enfants avaient songé à passer en France comme ils le lui avaient promis. Mais il ne leur restait plus d’autre parent qu’un oncle