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Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/175

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André expliqua la mort de leur père, leur départ d’Alsace-Lorraine, leur long voyage ; comment Julien avait été courageux tout le temps et même gai ; mais qu’à chaque nouvelle séparation, et surtout à la dernière, il avait eu grand’peine à se consoler.

« Pauvres orphelins, pauvres enfants de l’Alsace-Lorraine ! » pensait le médecin en écoutant André ; «  si jeunes, et obligés à déployer une énergie plus grande que celle de bien des hommes ! »

André se tut, attendant l’avis du médecin : il était tout pâle d’anxiété sur l’état de son frère, et deux grosses larmes brillaient dans ses yeux.

— Allons, dit le docteur, j’espère que cette fièvre et ce délire n’auront pas de suite : vous avez fait ce qu’il faut toujours faire dans les maladies, vous avez appelé le médecin à temps. Ne vous couchez pas, mon ami ; de demi-heure en demi-heure vous ferez prendre à votre frère une potion calmante que je vais vous écrire ; veillez-le avec soin. S’il peut s’endormir d’un bon sommeil, il sera hors de danger. Je reviendrai demain matin.

André resta toute la nuit au chevet de Julien, veillant l’enfant comme eût fait la plus tendre des mères, le calmant par des mots pleins de tendresse, ne cessant de demander à Dieu, dans la tristesse de son cœur, aide et protection.

— Seigneur ! s’écriait-il, redonnez à mon Julien la santé, l’énergie et le courage, afin que nous puissions accomplir la volonté de notre père.

Julien était toujours dans une agitation extrême. La nuit touchait à sa fin, et l’inquiétude d’André allait croissant.

Enfin Julien épuisé de fatigue resta immobile ; puis, peu à peu, il garda le silence, ses yeux se fermèrent ; il s’endormit, sa petite main dans celle de son frère.

André, immobile, n’osait remuer dans la crainte d’éveiller l’enfant. En voyant quel calme sommeil succédait au délire, il sentit l’espérance remplir son cœur ; il remercia Dieu. Il songea à son pauvre père qui, bien sûr, lui aussi, les protégeait par delà la tombe, et de nouveau il s’adressa à lui, le priant de veiller sur son cher petit Julien.

Enfin, brisé de fatigue et d’émotion, il finit par s’endormir lui-même à son tour, la tête appuyée sur le bois du lit où Julien reposait, la main immobile dans celle de l’enfant.