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Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/270

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Après le dîner, Philippe va se promener dans le jardin sous les grands arbres, réfléchissant, cherchant comment faire. Il se procure du lin, du fil, une loupe (une loupe est une sorte de verre qui grossit les objets pour les yeux) ; puis il s’enferme dans sa chambre, et, tenant d’une main le lin, de l’autre le fil, il se dit : « Avec ceci, il faut que je fasse cela. »

Il passa la journée et la nuit à réfléchir, imaginant et construisant dans sa tête des machines de toute sorte.

Le lendemain, quand il revint à la même heure pour le déjeuner en famille, il dit à son père :

— Le million est à nous, la machine est trouvée !

L’idée principale de la machine était trouvée en effet, mais, pour l’exécuter, Philippe de Girard rencontra les plus grandes difficultés. Il dépensa le peu d’argent qu’il avait ; enfin, après plusieurs années, au moment où la machine était enfin parfaite et où Philippe allait recevoir son prix, Napoléon tomba. Le gouvernement qui lui succéda refusa de payer le million promis.

Alors Philippe ruiné s’exila. Il alla fonder en Pologne une manufacture de lin qui prit une grande importance et fut même le centre d’une nouvelle ville. Cette ville porte le nom de Girard et elle est désignée sur les cartes actuelles par le nom de Girardoff.

Ainsi, grâce à un travail assidu, Girard finit par obtenir et par donner aux siens la richesse qu’il avait failli déjà trouver. Néanmoins, jusqu’à la fin de sa vie il ne cessa de travailler et d’inventer sans relâche ; c’est par vingtaines que se comptent les machines que l’industrie lui doit.

Mais sa plus belle œuvre, ce fut cette machine à filer le lin qui devait être une des richesses de sa patrie. Elle se répandit partout rapidement, surtout dans le Nord. C’est une simple machine qui a fait la fortune et la grandeur de plusieurs villes du Nord, principalement de Lille, centre de l’industrie du lin. Aussi la ville de Lille s’est-elle toujours montrée reconnaissante envers Philippe de Girard.

L’État fait aujourd’hui une pension à sa nièce et à sa petite-nièce.



CVII. — L’Artois et la Picardie. — Le siège de Calais.


Le courage rend égaux les riches et les pauvres, les grands et les petits, dans la défense de la patrie.


Julien, tournant la page de son livre, continua sa lecture :


L’Artois et la Picardie sont, comme la Flandre, des pays de plaines très fertiles qui produisent en abondance le blé, le colza et le lin. Ces trois provinces industrieuses, placées en face de l’Angleterre, font aussi un grand commerce maritime. Par les ports de Boulogne et de Calais passent chaque année, par centaines de mille, les personnes qui se rendent d’Angleterre en France ou de France en Angleterre.