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Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/278

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Puis l’oncle Frantz, usant de ses droits de tuteur auprès des autorités allemandes, s’empressa de déclarer pour ses neveux et pour lui-même leur résolution de rester Français et d’habiter en France. Comme ils étaient en règle pour toutes les formalités nécessaires, acte en fut dressé sans obstacle.

Alors l’oncle Frantz et les deux enfants se sentirent tout émus d’être enfin arrivés au but qu’ils avaient poursuivi avec tant d’énergie et de persévérance. Ils songèrent à la France ; ils étaient heureux de lui appartenir et d’avoir une patrie ; et cependant il ne restait plus devant eux rien autre chose, ni maison, ni ville où l’on pût s’installer et vivre tranquille : désormais il faudrait travailler sans relâche pour gagner le pain quotidien jusqu’à ce qu’on eût enfin un foyer, « une maison à soi, » comme disait le petit Julien. Mais ces trois âmes courageuses ne s’en effrayaient pas : — Le devoir d’abord, disait l’oncle Frantz, le reste ensuite !

Julien et André, le cœur gros de souvenirs, suivaient avec émotion les rues de la ville natale. On passa devant la petite maison où Julien et André étaient nés, où leur mère, où leur père étaient morts. Chemin faisant on rencontrait des visages amis, de vieilles connaissances qui vous souhaitaient la bienvenue, comme maître Hetman, l’ancien patron d’André.

Après la maison paternelle, la première où se rendirent les enfants fut celle de l’instituteur qui les avait instruits, et auquel ils voulaient exprimer leur reconnaissance.

L’instituteur découvrit dans un coin de son jardin quelques fleurs en avance sur le printemps, et Julien fit un gros bouquet de ravenelles d’or et de pervenches bleues. Puis nos trois amis, dans une même pensée, se dirigèrent vers le petit cimetière de Phalsbourg.

Le soleil allait bientôt se coucher, empourprant l’horizon, lorsqu’on arriva près de la tombe de Michel Volden. On s’agenouilla devant la petite croix en fer qu’André avait lui-même forgée autrefois et placée sur la tombe de son père ; puis on y déposa le bouquet de Julien.

Alors de ces trois cœurs remplis de tendresse et de regrets s’éleva intérieurement une prière.

L’oncle Frantz, immobile sur le gazon funèbre, repassait en son âme les souvenirs de sa jeunesse ; il songeait aux belles années passées en compagnie de ce frère qui dormait