Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’en sais rien, répondit-elle ; ce que je sais, c’est qu’ils seront tous mis hors de France, sauf ceux qui y périront.

On lui demandait encore comment elle faisait pour vaincre :

— Je disais : « Entrez hardiment parmi les Anglais, » et j’y entrais moi-même.

— Jamais, ajouta-t-elle, je n’ai vu couler le sang de la France sans que mes cheveux se levassent.

Après ce long procès, après des tourments et des outrages de toute sorte, elle fut condamnée à être brûlée vive sur la place de Rouen.

En écoutant cette sentence barbare, la pauvre fille se prit à pleurer. « Rouen ! Rouen ! disait-elle, mourrai-je ici ? » — Mais bientôt ce grand cœur reprit courage.

Elle marcha au supplice tranquillement ; pas un mot de reproche ne s’échappa de ses lèvres ni contre le roi qui l’avait lâchement abandonnée, ni contre les juges iniques qui l’avaient condamnée.

Quand elle fut attachée sur le bûcher, on alluma. Le Frère qui avait accompagné Jeanne Darc était resté à côté d’elle, et tous les deux étaient environnés par des tourbillons de fumée. Jeanne, songeant comme toujours plus aux autres qu’à elle-même, eut peur pour lui, non pour elle, et lui dit de descendre.

Alors il descendit et elle resta seule au milieu des flammes qui commençaient à l’envelopper. Elle pressait entre ses bras une petite croix de bois. On l’entendit crier : Jésus ! Jésus ! et elle mourut.

Le peuple pleurait : quelques Anglais essayaient de rire, d’autres se frappaient la poitrine, disant : — Nous sommes perdus ; nous avons brûlé une sainte.

Jeanne Darc, mon enfant, est l’une des gloires les plus pures de la patrie.

Les autres nations ont eu de grands capitaines qu’ils peuvent opposer aux nôtres. Aucune nation n’a eu une héroïne qui puisse se comparer à cette humble paysanne de Lorraine, à cette noble fille du peuple de France.


Dame Gertrude se tut ; Julien poussa un gros soupir, car il était ému, et comme il gardait le silence en réfléchissant tristement, on n’entendait plus que le bruit monotone de la machine à coudre.

Au bout d’un moment, Julien sortit de ses réflexions.

Oh ! Mme Gertrude, s’écria-t-il, que j’aime cette pauvre Jeanne, et que je vous remercie de m’avoir dit son histoire !



XXVIII. — Les bons certificats d’André. — La mairie. — L’honnêteté et l’économie.


Si tu es honnête, laborieux et économe, aie confiance dans l’avenir.


Cependant le temps s’écoulait : il y avait un mois qu’André et Julien étaient à Épinal ; on songeait déjà au départ.