Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/165

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les ridicules de sa grand’mère, et lui apprit à les éviter sans cesser de les respecter.

Chaque soir, en arrivant chez madame d’Arlange, M. Daburon était sûr de trouver mademoiselle Claire assise près de sa grand’mère, et c’est pour cela qu’il venait.

Tout en écoutant d’une oreille distraite les radotages de la vieille dame et ses interminables anecdotes de l’émigration, il regardait Claire comme un fanatique regarde son idole. Il admirait ses longs cheveux, sa bouche charmante, ses yeux qu’il trouvait les plus beaux du monde.

Bien souvent, dans son extase, il lui arrivait de ne plus savoir au juste où il se trouvait. Il oubliait absolument la marquise et n’entendait plus sa voix de tête qui entrait dans le tympan comme une aiguille à tricoter. Il répondait alors tout de travers, commettait les plus singuliers quiproquos, qu’il tâchait après d’expliquer. Ce n’était pas la peine. Madame d’Arlange ne s’apercevait pas des absences de son courtisan. Ses demandes étaient si longues que les réponses lui importaient peu. Ayant un auditoire, elle se tenait satisfaite, pourvu que, de temps en temps, il donnât signe de vie.

Lorsqu’il fallait s’asseoir à la table de piquet, il l’appelait tout bas le banc des travaux forcés ; le magistrat maudissait le jeu et son détestable inventeur. Il n’en était pas plus attentif à ses cartes. Il se trom-