Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/351

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jourd’hui vendredi. De plus, ce jour si proche était le dernier du carnaval, c’était le mardi-gras. Cette circonstance doit aider vos souvenirs.

— Ce soir-là, je suis sorti, murmura Albert.

— Voyons, poursuivit le juge, précisons. Où avez-vous dîné ?

— À l’hôtel, comme à l’ordinaire.

— Non, pas comme à l’ordinaire. À la fin de votre repas, vous avez demandé une bouteille de vin de Bordeaux et vous l’avez vidée. Vous aviez sans doute besoin de surexcitation pour vos projets ultérieurs.

— Je n’avais pas de projets, répondit le prévenu avec une très-apparente indécision.

— Vous devez vous tromper. Deux amis étaient venus vous chercher ; vous leur aviez répondu, avant de vous mettre à table, que vous aviez un rendez-vous urgent.

— Ce n’était qu’une défaite polie pour me dispenser de les suivre.

— Pourquoi ?

— Ne le comprenez-vous donc pas, monsieur ? J’étais résigné, mais non consolé. Je m’apprenais à m’accoutumer au coup terrible. Ne cherche-t-on pas la solitude dans les grandes crises de la vie.

— La prévention suppose que vous vouliez rester seul pour aller à la Jonchère. Dans la journée vous avez dit : « Elle ne saurait résister. » De qui parliez-vous ?