Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/38

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qui puisse nous mettre sur la trace de l’assassin. On va vous expliquer l’affaire.

— Oh ! j’en sais assez, interrompit le père Tabaret. Lecoq m’a dit la chose en gros, le long de la route, juste ce qui m’est nécessaire.

— Cependant, commença le commissaire de police.

— Que M. le juge se fie à moi. J’aime à procéder sans renseignements, afin d’être plus maître de mes impressions. Quand on connaît l’opinion d’autrui, malgré soi on se laisse influencer, de sorte que… je vais toujours commencer mes recherches avec Lecoq.

À mesure que le bonhomme parlait, son petit œil gris s’allumait et brillait comme une escarboucle. Sa physionomie reflétait une jubilation intérieure, et ses rides semblaient rire. Sa taille s’était redressée, et c’est d’un pas presque leste qu’il s’élança dans la seconde chambre.

Il y resta une demi-heure environ, puis il sortit en courant. Il y revint, ressortit encore, reparut de nouveau et s’éloigna presque aussitôt. Le juge ne pouvait s’empêcher de remarquer en lui cette sollicitude inquiète et remuante du chien qui quête. Son nez en trompette lui-même remuait, comme pour aspirer quelque émanation subtile de l’assassin. Tout en allant et venant, il parlait haut et gesticulait, il s’apostrophait, se disait des injures, poussait de pe-