Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/415

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vacité dans cette exclamation, que Noël le regarda avec une sorte de stupéfaction. Il sentit le rouge lui monter aux joues et il se hâta de s’expliquer.

— Je dis : Vous non plus, poursuivit-il, parce que moi, grâce à mon inexpérience peut-être, je suis persuadé de l’innocence de ce jeune homme. Je ne m’imagine pas du tout un garçon de ce rang méditant et accomplissant un si lâche attentat. J’ai causé avec beaucoup de personnes de cette affaire qui fait un bruit d’enfer, tout le monde est de mon avis. Il a l’opinion pour lui, c’est déjà quelque chose.

Assise près du lit, assez loin de la lampe pour rester dans l’ombre, la religieuse tricotait avec fureur des bas destinés aux pauvres. C’était un travail purement machinal, pendant lequel ordinairement elle priait. Mais, depuis l’entrée du père Tabaret, elle oubliait, pour écouter, ses sempiternels orémus. Elle entendait et ne comprenait pas. Sa petite cervelle travaillait à éclater. Que signifiait cette conversation ? Quelle pouvait être cette femme, et ce jeune homme qui, n’étant pas son fils, l’appelait : ma mère, et parlait d’un fils véritable accusé d’être un assassin ? Déjà, entre Noël et le docteur, elle avait surpris des phrases mystérieuses. Dans quelle singulière maison était-elle tombée ? Elle avait un peu peur, et sa conscience était des plus troublées. Ne péchait-elle pas ? Elle promit de s’ouvrir à monsieur le curé lorsqu’il viendrait.