Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/419

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sieur, de sa santé et de sa réputation. Monsieur se taisait, n’étant pas en train d’argumenter ; il baissait la tête sous la rafale, faisant le gros dos à la grêle. Mais dès que Manette eut achevé ses préparatifs, il la mit à la porte sans façon et donna un double tour à la serrure.

Il s’agissait pour lui de dresser un nouveau plan de bataille et d’arrêter des mesures promptes et décisives. Rapidement il analysa sa situation. S’était-il trompé dans ses investigations ? Non. Ses calculs de probabilités étaient-ils erronés ? Non. Il était parti d’un fait positif, le meurtre, il en avait reconnu les circonstances, ses prévisions s’étaient réalisées, il devait nécessairement arriver à un coupable tel qu’il l’avait prédit. Et ce coupable ne pouvait être le prévenu de M. Daburon. Sa confiance en un axiome judiciaire l’avait abusé lorsqu’il avait désigné Albert.

— Voilà, pensait-il, où conduisent les opinions reçues et ces absurdes phrases toutes faites qui sont comme les jalons du chemin des imbéciles. Livré à mes inspirations, j’aurais creusé plus profondément cette cause, je ne me serais pas fié au hasard. La formule « Cherche à qui le crime profite » peut être aussi absurde que juste. Les héritiers d’un homme assassiné ont en réalité tout le bénéfice du meurtre, tandis que l’assassin recueille tout au plus la montre et la bourse de la victime. Trois personnes avaient