Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/440

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bouche. Qu’allait-elle vouloir de lui, que pouvait-il lui refuser ? Ah ! s’il avait prévu !… Il ne revenait pas de sa surprise.

— Je ne sais cette horrible histoire que d’hier, poursuivit Claire, on avait jugé prudent de me la cacher, et sans ma dévouée Schmidt, j’ignorerais tout encore. Quelle nuit j’ai passée ! D’abord j’ai été épouvantée, mais, lorsqu’on m’a dit que tout dépendait de vous, mes terreurs ont été dissipées. C’est pour moi, n’est-ce pas, que vous vous êtes chargé de cette affaire ? Oh ! vous êtes bon, je le sais. Comment pourrai-je jamais vous exprimer toute ma reconnaissance.

Quelle humiliation pour l’honnête magistrat que ce remerciement si plein d’effusion ! Oui, il avait au début pensé à mademoiselle d’Arlange, mais depuis !… Il baissa la tête pour éviter ce beau regard de Claire, si candide et si hardi.

— Ne me remerciez pas, mademoiselle, balbutia-t-il, je n’ai pas les droits que vous croyez à votre gratitude.

Claire avait été tout d’abord trop troublée elle-même pour remarquer l’agitation du magistrat. Le tremblement de sa voix attira son attention ; seulement, elle ne pouvait en soupçonner la cause. Elle pensa que sa présence réveillait les plus douloureux souvenirs ; que sans doute il l’aimait encore et qu’il souffrait. Cette idée l’affligea et la rendit honteuse.