Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/476

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l’empêchait de sentir la vivacité de son malheur. La voix de Claire sonna à son oreille comme la trompette de la résurrection. La nuit affreuse se dissipait, il entrevoyait une lueur à l’horizon, il retrouva l’énergie de sa jeunesse.

— Marchons, dit-il.

Mais soudain sa physionomie rayonnante se voila d’une tristesse mêlée de colère.

— Mais encore, reprit-il, où ? À quelle porte frapper sûrement ? Dans un autre temps, je serais allé trouver le roi. Mais aujourd’hui !… Votre Empereur lui-même ne saurait se mettre au-dessus de la loi. Il me répondrait d’attendre la décision de ces messieurs du tribunal, et qu’il ne peut rien. Attendre !… Et Albert compte les minutes avec une mortelle angoisse ! Certainement on obtient justice, seulement se la faire rendre promptement est un art qui s’enseigne dans des écoles que je n’ai pas fréquentées.

— Essayons toujours, monsieur, insista Claire, allons trouver les juges, les généraux, les ministres, que sais-je, moi ! Conduisez-moi simplement, je parlerai, moi, et vous verrez si nous ne réussissons pas.

Le comte prit entre ses mains les petites mains de Claire et les retint un moment, les pressant avec une paternelle tendresse.

— Brave fille ! s’écria-t-il, vous êtes une brave et courageuse fille, Claire ! Bon sang ne peut mentir. Je ne vous connaissais pas. Oui, vous serez ma fille,