Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/485

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contractés se détendirent, une joie céleste inonda son visage, et ses yeux creusés par la maladie prirent une expression de tendresse infinie.

— Guy, disait-elle d’une voix navrante de douceur, te voici donc enfin ! Comme il y a longtemps, mon Dieu, que je t’attends ! Tu ne peux pas savoir tout ce que ton absence m’a fait souffrir. Je serais morte de douleur, sans l’espérance de te revoir qui me soutenait. On t’a retenu loin de moi ? Qui ? Tes parents, encore ? Les méchantes gens ! Tu ne leur as donc pas dit que nul ici-bas ne t’aime autant que moi ! Non, ce n’est pas cela ; je me souviens… N’ai-je pas vu ton air irrité lorsque tu es parti ? Tes amis ont voulu te séparer de moi ; ils t’ont dit que je te trahissais pour un autre. À qui donc ai-je fait du mal pour avoir des ennemis ? C’est que mon bonheur blessait l’envie. Nous étions si heureux ! Mais tu ne l’as pas crue, cette calomnie absurde, tu l’as méprisée, puisque te voici !

La religieuse, qui s’était levée en voyant tout le monde envahir la chambre de sa malade, ouvrait de grands yeux ahuris.

— Moi te trahir ! continuait la mourante, il faudrait être fou pour le croire. Est-ce que je ne suis pas ton bien, ta propriété, quelque chose de toi ! Pour moi tu es tout, et je ne saurais rien attendre ni espérer d’un autre que tu ne m’aies donné déjà. Ne t’ai-je pas appartenu corps et âme dès le premier