Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/526

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dre une minute, j’allai trouver un homme de loi, lui demandant comment doit agir un honnête marin qui a eu le malheur d’épouser une gourgandine. Il me dit qu’il n’y a rien à faire. Plaider, c’est publier à son de trompe son déshonneur, et une séparation n’arrange rien. Quand une fois on a donné son nom à une femme, me dit-il, on ne peut plus le reprendre, il lui appartient pour le restant de ses jours, elle a le droit d’en disposer. Elle peut le salir, le couvrir de boue, le traîner de musicos en musicos, le mari n’y peut rien. Cela étant, mon parti fut vite pris. Le jour même, je vendis le fatal pré et j’en fis porter l’argent à Claudine, ne voulant rien garder du pain de la honte. Je fis ensuite dresser un acte qui l’autorisait à administrer notre petit bien mais qui ne lui permettait ni de le vendre ni d’emprunter dessus. Puis je lui écrivis une lettre où je lui marquais qu’elle n’entendrait plus parler de moi, que je n’étais plus rien pour elle et qu’elle pouvait se regarder comme veuve. Et dans la nuit, je partis avec mon fils.

— Et que devint votre femme, après votre départ ?

— Je ne puis le dire, monsieur. Je sais seulement qu’elle quitta le pays un an après moi.

— Vous ne l’avez jamais revue ?

— Jamais.

— Cependant, vous étiez chez elle trois jours avant le crime.