Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/562

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puissance nouvelle. Il était chez lui, désormais, dans cette magnifique demeure, il y était le maître, l’héritier. Son regard, qui inventoriait la pièce, s’arrêta sur le tableau généalogique suspendu près de la cheminée. Il s’en approcha et lut.

C’était comme une page, et des plus belles, arrachée au livre d’or de la noblesse française. Tous les noms qui dans notre histoire ont un chapitre ou un alinéa s’y retrouvaient. Les Commarin, avaient mêlé leur sang à toutes les grandes maisons. Deux d’entre eux avaient épousé des filles de familles régnantes.

Une chaude bouffée d’orgueil gonfla le cœur de l’avocat, ses tempes battirent plus vite, il releva fièrement la tête en murmurant :

— Vicomte de Commarin !

La porte s’ouvrit, il se retourna, le comte entrait.

Déjà Noël s’inclinait respectueusement : il fut pétrifié par le regard chargé de haine, de colère et de mépris de son père.

Un frisson courut dans ses veines, ses dents claquèrent, il se sentit perdu.

— Misérable ? s’écria le comte.

Et redoutant sa propre violence, le vieux gentilhomme jeta sa canne dans un coin.

Il ne voulait pas frapper son fils, il le jugeait indigne d’être frappé de sa main.

Puis il y eut entre eux une minute de silence mortel qui leur parut à tous deux durer un siècle.