Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

penser et que l’imminence d’un grand péril, de la mort même, ne saurait tirer de leur morne insouciance.

On serait venu l’arrêter en ce moment, qu’il n’aurait songé ni à résister ni à se débattre ; il n’aurait pas fait une enjambée pour se cacher, pour fuir, pour sauver sa tête.

Bien plus, il eut un moment comme l’idée d’aller se constituer prisonnier, pour avoir la paix, pour être tranquille, pour se délivrer de l’inquiétude du salut.

Mais son énergie se révolta contre cette morne hébétude. La réaction vint, secouant ces défaillances de l’esprit et du corps. La conscience de la situation et du danger lui revint, il entrevit avec horreur l’échafaud comme on aperçoit l’abîme aux lueurs de la foudre.

— Il faut défendre sa vie, pensa-t-il. Mais comment ?

Les transes mortelles qui ôtent aux assassins jusqu’au plus simple bon sens le faisaient frissonner.

Il regarda vivement autour de lui et crut remarquer que trois ou quatre passants l’examinaient curieusement. Son effroi s’en accrut.

Il se mit à courir dans la direction du quartier latin, sans projet, sans but, courant pour courir, pour s’éloigner, comme le Crime, que la peinture représente fuyant sous le fouet des Furies.