Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/100

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— Je ne le pense pas, fit le juge d’instruction, d’un ton de certitude.

Puis, s’adressant à M. Lecoq.

— Eh bien, monsieur l’agent, demanda-t-il, avez-vous fait quelque decouverte nouvelle ?

— J’ai relevé plusieurs faits importants, répondit M. Lecoq, mais je ne puis me prononcer avant d’avoir encore vu là haut au jour. Je demanderai donc à monsieur le juge d’instruction la permission de ne lui présenter mon rapport que demain, dans l’après-midi. Je crois pouvoir répondre, d’ailleurs, que si embrouillée que soit cette affaire…

M. Domini ne le laissa pas achever.

— Mais, interrompit-il, je ne vois rien d’embrouillé dans cette affaire ; tout me paraît, au contraire, fort clair.

— Cependant, objecta M. Lecoq, je pensais…

— Je regrette vraiment, poursuivit le juge d’instruction, qu’on vous ait appelé avec trop de précipitation et sans grande nécessité. J’ai maintenant, contre les deux hommes que j’ai fait arrêter, les charges les plus concluantes.

Le père Plantat et M. Lecoq échangèrent un long regard, trahissant leur surprise profonde.

— Quoi ! ne put s’empêcher de dire le vieux juge de paix, vous auriez, monsieur, recueilli des indices nouveaux !

— Mieux que des indices, je crois, répondit M. Domini avec un plissement de lèvres de fâcheux augure ; La Ripaille, que j’ai interrogé une seconde fois, commence à se troubler. Il a perdu tout à fait son arrogance. J’ai réussi à le faire se couper à plusieurs reprises et il a fini par m’avouer qu’il a vu les assassins.

— Les assassins ! exclama le père Plantat, il a dit les assassins ?

— Il a vu au moins l’un d’entre eux. Il persiste à me jurer qu’il ne l’a pas reconnu. Voilà où nous en sommes. Mais les ténèbres de la prison ont des terreurs salutaires.