Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/116

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Le père Plantat s’était levé, comme s’il eût été épouvanté de ce qu’il allait entendre.

— Mais qui pourrait dire, poursuivait le maire, où et comment elle est morte ! Ô ma Laurence, il ne s’est donc trouvé personne pour entendre le râle de ton agonie et te sauver ! Qu’es-tu devenue, toi si jeune, si heureuse !

Il se redressa effrayant de désespoir et s’écria :

— Partons, Plantat, venez, allons voir à la Morgue !

Puis il se laissa retomber murmurant le mot sinistre :

— La Morgue.

Tous les témoins de cette scène déchirante restaient immobiles et muets, glacés, retenant leur souffle.

Seuls, les gémissements étouffés de Mme Courtois et les sanglots de la petite servante dans le vestibule, troublaient le silence.

— Vous savez que je suis votre ami, murmurait le père Plantat ; oui, votre meilleur ami ; parlez, confiez-vous à moi, dites-moi tout.

— Eh bien donc !… commença M. Courtois, sachez…

Mais les larmes l’étouffant il ne put continuer.

Alors tendant au père Plantat une lettre froissée et mouillée de pleurs, il lui dit :

— Tenez, lisez… c’est sa dernière lettre.

Le père Plantat s’approcha de la table où étaient les bougies, et non sans peine, car l’écriture était effacée en plusieurs endroits, il lut :

« Chers parents aimés,

Pardonnez, pardonnez, je vous en conjure, à votre malheureuse fille la douleur dont elle va vous accabler.

Hélas ! j’ai été bien coupable, mais que le châtiment est terrible, ô mon Dieu !

En un jour d’égarement, entraînée par une passion fatale, j’ai tout oublié, l’exemple et les conseils de ma bonne et sainte mère, les devoirs les plus sacrés et votre tendresse.