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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/121

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— C’est ma faute, disait-elle, ma très-grande faute, une mère doit lire dans le cœur de sa fille comme dans un livre. Je n’ai pas su deviner le secret de Laurence je suis une mauvaise mère.

Le docteur à son tour s’était avancé.

— Madame, prononça-t-il d’un ton impérieux, il faut engager votre mari à se coucher sans tarder. Son état est grave, et un peu de sommeil est absolument nécessaire. Je vous ferai préparer une potion…

— Ah ! mon Dieu ! s’écria la pauvre femme en se tordant les mains, ah ! mon Dieu !…

Et la crainte d’un nouveau malheur, aussi épouvantable que le premier, lui rendant quelque présence d’esprit, elle appela les domestiques qui aidèrent M. Courtois à regagner sa chambre.

Elle monta aussi, suivie du docteur Gendron.

Trois personnes seulement restaient au salon, le juge de paix, M. Lecoq et, toujours près de la porte, Robelot, le rebouteux.

— Pauvre Laurence, murmura le vieux juge de paix, malheureuse jeune fille !…

— Il me semble, remarqua l’agent de la sûreté, que c’est son père surtout qui est à plaindre. À son âge, un pareil coup, il est capable de ne s’en pas relever. Quoi qu’il puisse arriver, sa vie est brisée.

Lui aussi, l’homme de la police, il avait été ému, et s’il le dissimulait autant que possible — on a son amour-propre — il l’avait formellement avoué au portrait de la bonbonnière.

— J’avais, reprit le juge de paix, j’ai eu comme le pressentiment du malheur qui arrive aujourd’hui. J’avais, moi, deviné le secret de Laurence, malheureusement je l’ai deviné trop tard.

— Et vous n’avez pas essayé…

— Quoi ? En ces circonstances délicates, lorsque l’honneur d’une famille respectable dépend d’un mot, il faut une circonspection extrême. Que pouvais-je faire ? Avertir Courtois ? Non, évidemment. Il eût d’ailleurs refusé