Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/120

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Sur ces paroles désolées, sur ce vœu d’un père au désespoir, il n’y tint plus.

Oubliant qu’on allait s’apercevoir de son émotion, il sortit de l’ombre où il s’était tenu, et s’adressant à M. Courtois :

— Moi, dit-il, moi, M. Lecoq, de la sûreté, je vous donne ma parole d’honneur de retrouver le corps de Mlle  Laurence.

Le pauvre maire s’accrocha désespérément à cette promesse comme un noyé au brin d’herbe qui flotte à portée de sa main.

— Oui ! n’est-ce pas, dit-il, nous le retrouverons. Vous m’aiderez. On dit que rien n’est impossible à la police, qu’elle sait tout, qu’elle voit tout. Nous saurons ce qu’est devenue ma fille.

Il s’avança vers l’homme de la préfecture, et lui prenant les mains :

— Merci, ajouta-t-il, vous êtes un brave homme. Je vous ai mal reçu tantôt et jugé du haut de mon sot orgueil ; pardonnez-moi. Il est des préjugés stupides : je vous ai accueilli dédaigneusement, moi qui ne savais quelle fête faire à ce misérable comte de Trémorel. Merci encore, nous réussirons, vous verrez, nous nous ferons aider, nous mettrons sur pied toute la police, nous fouillerons la France ; il faut de l’argent, j’en ai, j’ai des millions, prenez-les…

Ses forces étaient à bout, il chancela et retomba épuisé sur le canapé.

— Il ne faut pas qu’il reste ici plus longtemps, murmura le docteur Gendron à l’oreille du père Plantat, il faut qu’il se couche, une fièvre cérébrale, après de pareils ébranlements, ne me surprendrait pas.

Le juge de paix, aussitôt s’approcha de Mme  Courtois, toujours affaissée sur le fauteuil.

Abîmée dans sa douleur, elle semblait n’avoir rien vu, rien entendu.

— Madame, lui dit-il, madame !…

Elle tressaillit et se leva l’air égaré.