Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/125

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— Et comme vous êtes un homme d’ordre et d’économie, vous achetez des terres.

— J’ai encore les bêtes, reprit vivement Robelot, qui me rapportent assez. On vient me chercher de plus de trois lieues. Je soigne les chevaux, les vaches, les brebis.

— Toujours sans diplôme ?

Le rebouteux prit un air dédaigneux.

— Ce n’est pas un morceau de parchemin, dit-il, qui fait la science. Je ne crains pas les vétérinaires de l’école, moi. C’est dans les prairies et à l’étable que j’étudie les bestiaux. Sans me vanter, je n’ai pas mon pareil pour l’enfle, non plus que pour le tournis ou la clavelée.

Le ton du juge de paix devenait de plus en plus bienveillant.

— Je sais, poursuivit-il, que vous êtes un homme habile et plein d’expérience. Et tenez, le docteur Gendron, chez qui vous avez servi, me vantait, il n’y a qu’un instant, votre intelligence.

Le rebouteux eut un tressaillement nerveux, qui, pour être très-léger, n’échappa point au père Plantat, qui continua :

— Oui, ce cher docteur m’affirmait n’avoir jamais rencontré un aide de laboratoire aussi entendu que vous, « Robelot, me disait-il, a pour la chimie une telle aptitude, et tant de goût en même temps, qu’il s’entend aussi bien que moi à quantité de manipulations extrêmement difficiles. »

— Dame ! je travaillais de mon mieux, puisque j’étais bien payé, et j’ai toujours aimé à m’instruire.

— Et vous étiez à bonne école chez M. Gendron, maître Robelot ; il se livre à des recherches très-intéressantes. Ses travaux et ses expériences sur les poisons sont surtout bien remarquables.

L’inquiétude qui, peu à peu, gagnait le rebouteux, commençait à devenir manifeste ; son regard vacillait.

— Oui, répondit-il pour répondre quelque chose, j’ai vu des expériences bien curieuses.