Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/148

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depuis plusieurs jours, n’est-il pas plus aimable, meilleur qu’il n’a jamais été ! Elle est sans défiance, et ainsi le comte peut s’approcher d’elle, par derrière, sans que l’idée lui vienne de retourner la tête. Si elle l’entend venir ainsi, doucement, elle s’imagine qu’il veut la surprendre par un baiser.

Lui, cependant, armé d’un long poignard, est debout près de sa femme. Il sait où il faut frapper pour que la blessure soit mortelle.

De l’œil, il choisit sa place, il l’a trouvée, il frappe un coup terrible, si terrible que la garde du poignard a laissé son empreinte des deux côtés des lèvres de la plaie.

La comtesse tombe sans pousser un cri, heurtant son front à l’angle de la table qui se renverse.

Est-ce qu’ainsi ne s’explique pas la position de la terrible blessure, au-dessous de l’épaule gauche, blessure presque verticale, dont la direction est de droite à gauche ?…

Le docteur fit un signe d’approbation.

— … Et quel autre homme que l’amant ou le mari d’une femme, peut aller et venir dans sa chambre à coucher, s’approcher d’elle quand elle est assise, sans qu’elle se retourne ?

— C’est évident, murmurait le père Plantat, c’est évident.

— Voilà donc, poursuivait M. Lecoq, voilà la comtesse morte.

Le premier sentiment de l’assassin est un sentiment de triomphe. Enfin ! le voilà débarrassé de cette femme qui était la sienne, qu’il a assez haïe pour se résoudre à un crime, pour se décider à changer son existence heureuse, splendide, enviée, contre la vie épouvantable du scélérat désormais sans patrie, sans ami, sans asile, proscrit par toutes les civilisations, traqué par toutes les polices, puni par les lois du monde entier.

Sa seconde pensée est pour cette lettre, ce papier, cet acte, ce titre, cet objet d’un mince volume qu’il sait en