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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/15

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ne doit jamais toucher au corps d’une personne assassinée, sans la justice.

— Vous croyez ?

— Certainement ! Il y a des peines pour cela.

— Alors, allons prévenir le maire.

— Pourquoi faire ? Les gens d’ici ne nous en veulent peut-être pas assez ! Qui sait si on ne nous accuserait pas ?…

— Cependant, mon père…

— Quoi ! si nous allons avertir M. Courtois, il nous demandera comment et pourquoi nous nous trouvions dans le parc de M. de Trémorel pour voir ce qu’il s’y passait. Qu’est-ce que cela te fait qu’on ait tué la comtesse ? On retrouvera bien son corps sans toi… viens, allons-nous-en.

Mais Philippe ne bougea pas. La tête baissée, le menton appuyé sur la paume de sa main, il réfléchissait.

— Il faut avertir, déclara-t-il d’un ton décidé ; on n’est pas des sauvages. Nous dirons à M. Courtois que c’est en côtoyant le parc dans notre bachot que nous avons aperçu le corps.

Le vieux La Ripaille résista d’abord, puis voyant que son fils irait sans lui, il parut se rendre à ses instances.

Ils franchirent donc de nouveau le fossé, et, abandonnant leurs agrès dans la prairie, ils se dirigèrent en toute hâte vers la maison de M. le maire d’Orcival.

Situé à cinq kilomètres de Corbeil, sur la rive droite de la Seine, à vingt minutes de la station d’Évry, Orcival est un des plus délicieux villages des environs de Paris, en dépit de l’infernale étymologie de son nom.

Le Parisien bruyant et pillard, qui, le dimanche, s’abat dans les champs, plus destructeur que la sauterelle, n’a pas découvert encore ces campagnes riantes. L’odeur navrante de la friture des guinguettes n’y étouffe pas le parfum des chèvrefeuilles. Les refrains des canotiers, la ritournelle du cornet à piston des bals publics n’y ont jamais épouvanté les échos.

Paresseusement accroupi sur les pentes douces d’un