Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/156

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vingt minutes, la comtesse habillée comme au milieu du jour.

Autant qu’il peut, il augmente le désordre. Il arrache le ciel de lit. Il trempe un linge dans le sang, et en macule les rideaux et les meubles. Enfin, il marque la porte d’entrée de cette main sanglante, dont l’empreinte est trop nette, trop distincte, trop arrêtée, pour n’être pas volontaire.

Est-il, jusqu’ici, messieurs, je vous le demande, une circonstance, un détail, une particularité du crime, qui n’explique pas la culpabilité de M. de Trémorel ?

— Il y a la hache, répondit le père Plantat, la hache retrouvée au second étage, et dont la position vous a semblé si extraordinaire.

— J’y arrive, monsieur le juge de paix, répondit M. Lecoq.

Il est un point de cette affaire ténébreuse sur lequel, grâce à vous, nous sommes parfaitement fixés.

Nous savons que Mme  de Trémorel possédait et cachait, au su de son mari, — un papier, un acte, une lettre, dont celui-ci convoitait la possession et qu’elle refusait absolument, en dépit de ses prières, de lui donner.

Vous nous avez affirmé que le désir, — la nécessité peut-être, — de s’emparer de ce papier a contribué puissamment à armer la main du comte.

Nous ne serons donc pas téméraires en supposant à ce titre une importance non-seulement extraordinaire, mais encore tout à fait exceptionnelle.

Il faut croire, à plus forte raison, qu’il est, de sa nature extrêmement compromettant. Mais qui compromet-il ? Le comte et la comtesse ensemble, ou seulement le comte ? À cet égard j’en suis réduit aux conjectures.

Ce qui est acquis, c’est que ce titre est une menace — exécutable sur-le-champ — suspendue sur la tête de celui ou de ceux qu’elle concerne.

Ce qui est sûr, c’est que Mme  de Trémorel considérait cet écrit, soit comme une garantie, soit comme une arme terrible mettant son mari à sa discrétion.