Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/160

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diesse et cette précision d’élan du chat qui bondit sur la souris qu’il guette, il s’élança sur l’appui de la fenêtre ouverte, et de là dans le jardin.

Presque simultanément, on entendit le bruit de la chute, un cri étouffé, un juron, puis les trépignements d’une lutte.

Le docteur et le père Plantat s’étaient précipités à la fenêtre.

Le jour commençait à poindre, les arbres frissonnaient au vent frais du matin, les objets apparaissaient vaguement distincts, sans formes arrêtées, au travers de ce brouillard blanc qui plane, les nuits d’été, sur la vallée de la Seine.

Au milieu du gazon, devant les fenêtres de la bibliothèque, le médecin et le juge de paix entrevoyaient deux hommes, deux ombres plutôt, qui se démenaient, agitant furieusement les bras.

Par instants, à intervalles très-rapprochés, ils entendaient le bruit mou et clapoteux d’un poing fermé qui s’abat en plein sur la chair vive.

Bientôt, les deux ombres n’en formèrent qu’une, puis elles se séparèrent pour se rejoindre de nouveau ; une des deux tomba, se releva aussitôt, et retomba encore.

— Ne vous dérangez pas, messieurs, criait la voix de M. Lecoq, je tiens le gredin.

L’ombre restée debout, qui devait être celle de l’agent de la sûreté, s’inclina, et le combat, qui semblait fini, recommença. L’ombre étendue à terre se défendait avec l’énergie si dangereuse du désespoir. Son torse, au milieu de la pelouse formait comme une grande tache brune, et ses jambes, lançant des coups de pieds, se tendaient et se détendaient convulsivement.

Il y eut un moment de confusion tel, que M. Gendron et le père Plantat cessèrent de distinguer laquelle des deux ombres était celle de l’agent de la sûreté.

Elles s’étaient relevées et luttaient. Soudain, une exclamation de douleur retentit, accompagné d’un juron :

— Ah ! canaille !