Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/212

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Cette certitude le ravit, et dans un mouvement de reconnaissance vraie, serrant entre ses mains les mains de Sauvresy :

— Ah ! mon ami, s’écria-t-il, c’est l’honneur après la vie, que tu me donnes, comment m’acquitter jamais !…

— En ne faisant plus que des folies raisonnables. Tiens, comme moi, ajouta-t-il, en se penchant vers sa femme et en l’embrassant.

— Et plus rien à redouter !

— Rien ! C’est que j’aurais, morbleu !, emprunté les deux millions, oui, et ils l’ont bien vu. Mais ce n’est pas tout. Les poursuites sont arrêtées. Je suis allé à ton hôtel, et j’ai pris sur moi de renvoyer tous tes domestiques, à l’exception de ton valet de chambre et d’un palefrenier. Si tu veux m’en croire, nous enverrons dès demain tous tes chevaux au Tattersal où ils se vendront très-bien. Quant au cheval que tu as l’habitude de monter, il sera ici demain.

Ces détails choquaient Berthe. Elle trouvait que son mari exagérant l’obligeance, descendant jusqu’à la servilité.

— Décidément, pensait-elle, il était né pour être intendant.

Sauvresy poursuivait :

— Enfin, sais-tu ce que j’ai fait ? Songeant que tu es arrivé ici comme un petit Saint-Jean, j’ai donné l’ordre de remplir trois ou quatre malles de tes effets, on les a portées au chemin de fer, et en arrivant j’ai envoyé un domestique les chercher.

— Hector, lui aussi, commençait à trouver l’obligeance de Sauvresy excessive, et qu’il le traitait par trop en enfant ne sachant rien prévoir. Cette circonstance de son dénûment racontée devant une femme, le blessait. Il oubliait que le matin même, il avait trouvé tout simple de faire demander du linge à son ami.

Il cherchait une de ces plaisanteries fines, qui sauvent une situation, lorsqu’il se fit un grand bruit dans le vestibule. Sans doute les malles arrivaient. Berthe sortit pour donner des ordres.