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Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/235

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tantes lui venaient. S’il s’obstinait à poursuivre ce mariage, Berthe ne mettrait-elle pas ses menaces à exécution ? Si, évidemment ; c’était, il ne le sentait que trop, une de ces femmes qui ne reculent jamais, que rien ne touche, que nulle considération humaine n’est capable d’arrêter.

Quant à ce qu’elle ferait, il le devinait, ou plutôt il le savait d’après ce qu’elle lui avait dit une fois, dans une grande querelle, à propos de miss Fancy. Elle lui avait dit :

— J’irai tout avouer à Sauvresy, et nous serons plus liés par la honte que par toutes les formules de l’église et de la mairie.

Voilà certainement le moyen qu’elle comptait employer pour rompre ce mariage, qui lui semblait si odieux.

Et à l’idée que son ami saurait tout, le comte de Trémorel frissonnait.

— Que fera-t-il, pensait Hector, si Berthe lui dit tout ? Il tâchera de me tuer roide, c’est ainsi que j’agirais à sa place. Supposons qu’il me manque. Me voilà obligé de me battre en duel avec lui, et forcé, si je m’en tire, de quitter le pays. Et quoi qu’il arrive, mon mariage est irrévocablement rompu et Berthe me retombe sur les bras pour l’éternité.

En vain il réfléchissait, il ne voyait nulle issue à l’horrible situation qu’il s’était faite.

— Il faut attendre, s’était-il dit.

Et il attendait, se cachant pour aller chez M. Courtois, car il aimait vraiment Laurence. Il attendait, dévoré d’anxiétés, se débattant entre les instances de Sauvresy et les menaces de Berthe.

Comme il la détestait, cette femme, qui le tenait, dont la volonté le faisait plier comme l’osier ! Rien ne pouvait ébranler son entêtement féroce. Elle n’était sensible qu’à son idée fixe. Il avait pensé qu’il lui serait agréable en congédiant Jenny. Erreur. Lorsque le soir de la rupture, il lui dit :

— Berthe, je ne reverrai de ma vie miss Fancy.