Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/238

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— Oh ! oui, monsieur, oui, cruellement.

Les larmes l’étouffaient, elle cachait sa figure sous son mouchoir.

— J’avais deviné, pensait Sauvresy, Hector lui a signifié son congé. À moi, maintenant, de panser délicatement la blessure, tout en rendant un raccommodement impossible.

Et comme Fancy pleurait toujours, il lui prit les mains, et doucement, bien que malgré elle, il lui découvrit le visage.

— Du courage, lui disait-il, du courage.

Elle leva sur lui ses grands yeux noyés, auxquels la douleur donnait une ravissante expression.

— Vous savez donc ? interrogea-t-elle.

— Je ne sais rien, car sur votre prière je n’ai rien demandé à Trémorel, mais je devine.

— Il ne veut plus me revoir, fit douloureusement miss Fancy, il me chasse.

Sauvresy fit appel à toute son éloquence. Le moment était venu d’être à la fois persuasif et banal, paternel mais ferme.

Il traîna une chaise près de miss Fancy et s’assit.

— Voyons, mon enfant, poursuivit-il, soyez forte, sachez vous résigner. Hélas ! votre liaison a le tort de toutes les liaisons semblables, que le caprice noue, que la nécessité rompt. On n’est pas éternellement jeune. Une heure sonne, dans la vie, où bon gré malgré il faut écouter la voix impérieuse de la raison. Hector ne vous chasse pas, vous le savez bien, mais il comprend la nécessité d’assurer son avenir, d’asseoir son existence sur les bases plus solides de la famille, il sent le besoin d’un intérieur…

Miss Fancy ne pleurait plus. Le naturel reprenait le dessus, et ses larmes s’étaient séchées au feu de la colère qui lui revenait. Elle s’était levée, renversant sa chaise, et elle allait et venait par la chambre incapable de rester en place.

— Vous croyez cela, monsieur, disait-elle, vous croyez